Fastueux Mirages

 

"Sultreon, la Vérité, Blandin, est souvent pire que le mensonge. Sache t'en rappeler lorsque tu composeras tes propres odes pour les grands de ce monde. Tu n'entendras peut-être plus jamais Son nom, que je viens de prononcer, car je ne le ferais plus et il est bien peu de lieu en Attaliane où on Lui donne Son juste état; car ici comme partout, Vérité est allonyme. Il n'est pas femelle comme le croient les sudériens, mais ceux-ci ont laissé leur mémoire se perdre dans les abîmes du temps.

Zerllian sait, car la glorieuse catin massoet ne peut pas se défaire de son âme massoetis, mais elle-même s'est égarée dans les brumes de l'iris plutôt que de s'y confronter. Vérité est un dangereux commensal que le baladin que tu veux être doit vastement obérer. Oui, il y a bien des choses que tu ignores et je prie Halthor pour qu'il en soit toujours ainsi. Parcours les routes, chante les gestes d'antan et compose à la gloire des puissants. Laisse toi porter par la beauté du verbe et ne te souci pas de Vérité, car il te coûterait bien cher de ne pas faire ainsi.

Il y eut une saison où, pour n'avoir pas suivi le conseil qu'aujourd'hui je te donne, je du choisir les routes et l'inconséquence des pastourelles. Ce fut pour moi une tragédie qui transperça mon âme de sa lame glacée, mais je sais aujourd'hui que ce fut la plus terrible bénédiction que mon pauvre destin m'offrira jamais. L'oubli est une joie que Vérité ne permet pas. Elle… Il est le plus insensible des juges. Vérité est unique, et ne se prête pas aux jeux de la romance qui fut ma plus belle liesse.

La splendeur de Zerllian est la plus grande des offenses à cette Vérité et c'est peut-être ainsi que les plus anciens et les plus sanguinaires de nos seigneurs ont put œuvrer pour lutter malgré tout. Mais aujourd'hui, nul ne veux plus savoir et il y a joie en cela. Je sais que c'est faux, je sais que c'est effroyable et que folie est ceci, mais c'est ce qui fait de nous des hommes et des femmes libres, qui peuvent supporter l'idée de vivre chaque jour en cet âge cruel. La musique et le verbe sont des cautères qui nous apportent une vigueur éphémère mais ô combien essentielle.

Tu es bien jeune encore, mon fils, et moi qui t'ai élevé me sais plus mère que celle qui t'a mise au monde; alors, tu ne dois me consacrer qu'une attention diffuse et rêver de jeux qui, déjà, ne sont plus ceux d'enfants dont tu n'es plus. Mais la liberté que nous offre la route et la musique ont pour prix le danger qui nous côtoie chaque jour et chaque nuit. Je voulais te dire cela car nul ne sais si demain les mêmes instants m'auraient été permis.

Je ne sais si tu m'as entendue, mais je souhaite que la vie te fût joie et que rien de ce que je crains tant ne t'atteigne jamais."

 

Paroles d'Arianne, la baladine, lors de son séjour à Zurnelt, dans le Royaume Médian.

Peu avant son décès, en l'Année du Stirh